RÊVERIE EN TERRASSE

Bernard LUCAS

Traduction réelle de faits légèrement romancés que je dédie à Marc, Daniel, Jean-Marie et Tony, mes compagnons de terrasse.

 

Si vous voulez connaître l’éventail des classes sociales de notre pays, installez-vous à la terrasse d’un petit bistrot de banlieue.

La terrasse est un laboratoire sociologique, un champ de découvertes… vous y rencontrez des notaires, des commerçants, des employés et … même des cyclistes du Bvyc.

A la terrasse, le spectacle est total, un théâtre à 180°, car vous pouvez voir et entendre aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur ; par exemple, sur le trottoir d’en face, cette femme mal attifée, au drôle de chapeau ou cet abbé portant encore la soutane et à la table d’à-côté dans le brouhaha des conversations sans suite, vous connaîtrez le futur vainqueur du Tour de France, qui sera dopé à son insu, c’est mon beau-frère qui me l’a dit !…

Les terrasses devraient être classées : « Monuments historiques » tant elles éveillent la curiosité,

à commencer par nos cyclistes.

Président en tête, ils dissertent sur une curieuse croix, là-bas, au loin, en haut du fronton de l’église.

Le ciel me tombe dessus, je rêve… mes amis ne me parlent pas de leur sortie à 40 km/h vent de face en tirant des bordures sur un 53 x 12… mais d’une croix … j’hallucine !

A la contempler d’ailleurs, elle ne ressemble en rien à une croix latine traditionnelle.

Je ne la connais pas et que fait ce symbole d’origine païenne sur cette église, le coq passe encore,

il a son utilité en indiquant le sens du vent.

L’interrogation ne répond pas à la question, cyclos matutinaux, réveillez-vous, sortez vos smartphones, reprenez une Leffe pour régénérer vos neurones, mais ne laissez pas les adhérents bvycois dans la turpitude de vos divagations.

Amis cyclistes, Président, j’appelle au bon sens, le moment est grave, vos adhérents veulent savoir, allez interroger le bedeau, le suisse, le curé ou le marguillier* (pour les puristes).

Quel beau mariage nous vivrons, le sport et l’histoire entrant dans la connaissance d’un jour nouveau.

Combs-la-Ville, par un matin d’été grisonnant au dernier sursaut d’une saison caniculaire, cinq cyclistes cherchent la raison d’une croix originale, mais pas n’importe laquelle ; celle située ici à Combs-la-Ville sur cette chapelle : Notre-Dame de Lourdes. Cette chapelle a été érigée au XXe siècle, elle n’a rien de particulier, autre qu’un crépi blanc la distinguant des autres maisons et son fronton couronné d’une croix celte, voilà le décor, maintenant place à l’histoire.

La croix celte ou nimbée est un symbole chrétien apparu en Europe de l’Ouest, en particulier en Irlande. Elle est inscrite dans un anneau, les branches dépassent toujours de l’anneau, et sur les représentations les plus détaillées, le cercle est en retrait. Elle est le symbole caractéristique du christianisme celtique.

Elle a depuis été récupérée par les nationalistes ou populistes de tous bords comme emblème national.

Il semble aujourd’hui certain qu’à l’origine, la croix celtique est une récupération chrétienne de la roue solaire, c’est-à-dire une croix inscrite dans un cercle.

Ce symbole, de roue solaire, date du néolithique. Certains estiment son apparition à 6 000 ans av. J.C.

Il n’est pas rare encore aujourd’hui de voir des croix celtiques dans les cimetières, sur les églises ou même sur les habitations.

Juste une petite rectification : « La croix celte a une branche verticale plus longue que sa branche horizontale (représentation de la croix chrétienne classique) alors que la croix celtique a les deux branches de la même longueur ».

Voilà mes amis la description complète de cette croix, mais elle ne répond toujours pas à notre investigation : « Pourquoi est-elle là sur cette chapelle, quel est son lien, et qui l’a décidé ? »

– A vous de jouer, le gagnant ne marquera aucun point au challenge.

P-S – Un moine venant de Tours a évangélisé au Ve siècle l’Irlande : saint Patrick, devenant le guide national de ce pays et fêté à grandes rasades de bière. Ensuite, les moines irlandais sont venus fonder les monastères et abbayes dans l’Ouest de la France, guidé par un moine itinérant, saint Colomban, on leur doit les racines chrétiennes de cette terre de Bretagne et de Vendée.

Si vous allez du côté de Saint-Jean-de-Monts, vous traverserez des marais, vous devrez cet ouvrage colossal, au IXe siècle : d’assèchement, d’assainissement, d’irrigation des étiers et des canaux, aux moines irlandais.

Cette croix celtique, héritage lointain de nos Gaulois, ils l’ont portée jusqu’à nous.

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